Lorsqu’un travailleur quitte son emploi, que ce soit par licenciement ou par choix personnel, des procédures judiciaires peuvent s’ensuivre. Les litiges peuvent notamment porter sur la contestation du licenciement ou des revendications liées à la rémunération. De son côté, l’employeur peut également initier une action, par exemple pour exiger le respect d’une clause de non-concurrence ou de confidentialité. Toutefois, pour être recevables devant le Tribunal du travail, ces actions doivent impérativement être introduites dans les délais prescrits.
Selon l’article 317, alinéa 1er, a), du Code du travail congolais, les actions issues du contrat de travail se prescrivent par trois ans à compter de l’événement ayant donné naissance à l’action, à l’exception des actions en paiement du salaire, qui doivent être exercées dans l’année suivant l’exigibilité du salaire.
La cour d’appel de Kinshasa-Gombe considère que les « courtes prescriptions » prévues à l’article 317 reposent sur une présomption de paiement. De même, la cour d’appel de Kinshasa-Matete a indiqué, pour ce qui concerne les réclamations adressées à l’employeur en vertu de l’article 317, alinéa 2, c), que cette réclamation fait disparaître la présomption de paiement au profit d’une prescription de trente ans, effectuant ainsi une « interversion » de la prescription fondée sur ladite présomption de paiement.
Dans ses analyses, la doctrine, notamment M. Luwenyema Lule, rattache la prescription de l’article 317 à la catégorie des prescriptions fondées sur la présomption de paiement, soulignant que la brièveté des délais vise à présumer le paiement du salaire, essentiel à la subsistance du travailleur, lequel n’est pas supposé avoir accordé de crédit à son employeur. Cette position est partagée par d’autres auteurs, comme M. Mbaya-Ngang Kumabuenga, qui rappelle que les prescriptions courtes servent à présumer l’acquittement d’une dette censée être réglée rapidement.
Toutefois, M. Luwenyema Lule se fondait sur une jurisprudence antérieure, ultérieurement remise en cause. Avant l’indépendance, la prescription des actions issues du contrat de travail était d’un an après la cessation du contrat, selon les textes coloniaux, et la jurisprudence la considérait alors comme une présomption de paiement, à l’instar de l’article 652 du Code civil. Cette lecture fut modifiée par l’arrêt de la cour d’appel d’Elisabethville du 22 octobre 1949, qui, en se référant à la loi belge du 7 août 1922, affirma la nature libératoire absolue de cette prescription.
Après l’indépendance, deux textes ont successivement encadré la prescription : le décret-loi du 21 février 1965 sur le contrat de louage de services et l’article 317 du Code du travail adopté en 1967. Selon M. Mukadi Bonyi, les prescriptions courtes établies par le Code du travail n’ont pas un effet libératoire : elles ne suppriment pas la dette salariale, ce qui répond à l’objectif de protection du travailleur poursuivi par le législateur.
L’exposé des motifs du Code du travail de 1967 précise par ailleurs que son élaboration s’est inspirée des législations d’autres pays d’Afrique francophone pour faciliter l’harmonisation sociale, mais il affirme aussi s’appuyer prioritairement sur les textes postérieurs à 1960 et sur les principes antérieurs adaptés au contexte national. Le législateur n’a pas souhaité déroger à la nature libératoire de la prescription telle qu’elle résultait des décrets coloniaux et reconnue depuis l’arrêt d’Elisabethville de 1949.
Cet enseignement a été confirmé par plusieurs décisions de justice congolaises, qui retiennent que la prescription d’un an de l’action en paiement du salaire est de nature libératoire absolue. Toutefois, certaines jurisprudences récentes ainsi qu’une partie de la doctrine, notamment fondées sur les opinions de Luwenyema Lule, continuent de considérer que la prescription repose sur une présomption de paiement.
Les jugements récents qui se fondent sur cette dernière analyse relèvent que, si l’employeur reconnaît le non-paiement, la présomption cesse de jouer, et la prescription d’un an se trouve remplacée par le délai de droit commun de trente ans. Les références à des arrêts ou auteurs contestant cette thèse sont rares et touchent généralement à des situations antérieures à l’adoption du Code du travail de 1967.
Deux courants doctrinaux et jurisprudentiels ont ainsi coexisté : celui privilégiant la présomption de paiement, plus convaincant selon une majorité d’auteurs, et celui soutenant la prescription libératoire absolue. La doctrine majoritaire et la jurisprudence récente, en particulier l’arrêt de la cour d’appel de Kinshasa/Gombe du 16 mai 2014, confirment la prééminence de la présomption de paiement, une opinion déjà implicitement reconnue par la Cour suprême en 1998.
La doctrine considère quasi-unanimement que la prescription prévue à l’article 317, spécialement pour l’action en paiement du salaire, est fondée sur une présomption de paiement, seuls quelques arrêts antérieurs adoptant une conception strictement libératoire pour les textes appliqués avant 1967.
L’exposé des motifs du Code du travail congolais réaffirme, en outre, l’inspiration des codes d’autres pays d’Afrique francophone en vue d’une harmonisation des législations sociales. Dans la plupart de ces législations, la prescription salariale intègre la possibilité pour le salarié de faire prêter serment à l’employeur sur le paiement du salaire, ce qui, en cas de reconnaissance implicite de la dette, rallonge le délai applicable.
Ainsi, la lecture donnée à l’article 317 alinéa 1er, a), du Code du travail congolais s’inscrit pleinement dans cette logique d’harmonisation et de protection du salarié.
Source :