Selon les alinéas 1 et 2 de l’article 72 du Code du travail du 16 octobre 2002, tel que modifié, « tout contrat de travail peut être résilié immédiatement sans préavis, pour faute lourde. Une partie est réputée avoir commis une faute lourde lorsque les règles de bonne foi ne permettent pas d’exiger de l’autre partie qu’elle continue à exécuter le contrat ».
Luwenyema Lule explique, en commentant cette disposition, que la faute lourde s’apprécie au regard des rapports personnels inhérents à l’exécution du contrat de travail. Ainsi, la poursuite du contrat devient impossible, même pendant le préavis, lorsque la bonne foi ne permet plus le maintien du lien contractuel. François Gaudu précise également que la faute lourde, par son importance, justifie l’urgence de la rupture sans préavis, car le maintien du salarié dans l’entreprise devient inconcevable (F. GAUDU, Droit du travail, 4ème éd., Dalloz, 2011, p.174).
Jacqueline Mansanga Phoba Mvioki considère, pour sa part, que la faute lourde doit revêtir une gravité telle qu’elle entraîne une impossibilité morale, pour la partie victime, d’accepter la continuation du lien contractuel (J. MANSANGA PHOBA Mvioki, Droit du travail, Notes de cours, L1 Droit, UNIKIN, 2003, p. 90). Une rupture immédiate du contrat s’impose alors.
La Cour d’Appel de Kinshasa a statué en ce sens : « l’employeur doit, en cas de faute lourde, résilier le contrat sans retard, sous peine de perdre le bénéfice de la loi » (Kinshasa, RTA 1295/1355 du 16 octobre 1986, CA, Lulu c/Régideso). La Cour d’Appel de Lubumbashi reconnaît également qu’une rupture tardive atténue la gravité de la faute et ne justifie plus la résiliation immédiate (RCA 7562 du 3 janvier 1988, Sedec c/TSHILUMBA ; Kinshasa, RTA 1634 du 18 janvier 1988, Savawunga c/BAT).
Toutefois, il est permis à la partie qui constate une faute lourde de décider, selon son appréciation, de ne pas appliquer immédiatement l’article 72 et d’accorder à l’auteur de la faute les avantages prévus aux articles 64 et 68 du Code du travail. Pour Luwenyema Lule, le terme « peut » employé par le législateur laisse ouverte la possibilité de choisir une sanction moins sévère, même en présence d’une faute lourde. Loko Omadikundju partage cet avis, estimant que l’intérêt des parties peut justifier un certain délai avant la rupture effective.
La lecture croisée des articles 72, 73 et 74 du Code du travail indique que l’employeur comme le salarié peuvent être jugés responsables d’une faute lourde, à condition que le comportement incriminé soit d’une gravité telle qu’il justifie une résiliation immédiate sans préavis.
Ces décisions judiciaires soulignent l’idée que la faute lourde marque une rupture fondamentale de la confiance et des relations de travail, rendant la poursuite du contrat intolérable. En droit congolais, sa définition se fonde expressément sur les exigences de la bonne foi. Dès la constatation de la faute lourde, la partie concernée dispose de quinze jours pour notifier sa décision de résilier le contrat, la rupture prenant la forme d’une démission côté salarié ou d’un licenciement côté employeur.
En cas de faute lourde commise par le salarié, l’employeur dispose de 48 heures pour suspendre ce dernier afin de mener une enquête. Si la partie visée estime que la rupture du contrat est abusive, elle doit avant toute saisine du Tribunal du travail, saisir l’Inspection du travail pour tenter une conciliation. Si la résiliation est jugée abusive par le tribunal, la partie victime peut obtenir des dommages et intérêts, dans la limite de 36 mois de salaire.
En principe, la commission d’une faute lourde par l’une des parties autorise l’autre à rompre le contrat sans délai et sans préavis, sans que cela ne constitue une faute supplémentaire. Que le contrat soit à durée déterminée ou indéterminée, cette règle s’applique de la même façon.
L’article 72 reconnaît ainsi que « tout contrat de travail peut être résilié immédiatement sans préavis, pour faute lourde. Une partie est réputée avoir commis une faute lourde lorsque les règles de bonne foi ne permettent pas d’exiger de l’autre partie qu’elle continue à exécuter le contrat ».
La combinaison des articles 72, 73 et 74 permet de retenir la faute lourde comme motif légitime de rupture immédiate, que l’auteur soit l’employeur ou le travailleur. Cependant, le Code ne donne pas de définition exhaustive de la faute lourde, se limitant à une liste indicative d’actes pouvant être considérés comme tels.
Dans la gestion des conflits individuels, la frontière de la notion de faute lourde demeure floue, ce qui laisse au juge ou à la partie plaignante le soin de qualifier les faits.
Par exemple, l’article 73 précise que « l’employeur commet une faute lourde qui permet au travailleur de rompre le contrat lorsqu’il manque gravement aux obligations du contrat, notamment dans les cas suivants (…) », le terme « notamment » impliquant que d’autres actes non listés peuvent aussi constituer une faute lourde, au jugement du travailleur.
De même, l’article 74 dresse une liste ouverte des fautes lourdes du travailleur, l’employeur ayant la faculté d’en évoquer d’autres pour motiver une rupture unilatérale du contrat.
Ce pouvoir d’appréciation, confié aux parties comme au juge, peut conduire à des situations d’arbitraire et des abus, d’où l’importance de bien comprendre la notion de faute lourde, les procédures applicables et le régime de la sanction.
Concernant la faute lourde de l’employeur, l’article 73 énumère plusieurs cas, tels que les actes d’improbité, le harcèlement, les violences ou injures, l’exposition du salarié à des dangers non prévus, les retenues injustifiées sur salaire ou l’inapplication persistante de la réglementation du travail.
D’autres situations validées par la jurisprudence incluent l’affectation non justifiée à un poste inférieur, la privation de salaire sans raison, le détournement de bourse d’études, ou le refus injustifié du congé annuel.
L’utilisation du terme « notamment » autorise la prise en compte d’autres comportements graves. Des arrêts de la Cour d’appel, notamment celui du 8 mars 2001 (Kinshasa Gombe), ont jugé fautif l’employeur qui modifie unilatéralement les conditions de travail, justifiant la démission du salarié. La rétrogradation injustifiée figure aussi parmi les fautes graves.
En ce qui concerne la faute lourde du travailleur, l’article 74 prévoit qu’il s’agit de manquements graves aux obligations du contrat, tels que des actes d’improbité, d’intimidation, des faits immoraux, une compromission de la sécurité, etc.
La jurisprudence a complété cette liste : dissimulation de handicap à l’embauche, absences injustifiées, désobéissance, abandon de poste pendant le préavis, accumulation de négligences, injures envers la hiérarchie, refus d’exécuter une sanction, omission d’informer d’un accident, vol de documents, ivresse sur le lieu de travail, ou encore fausse déclaration sur les diplômes.
Face à des faits qualifiés de faute lourde, il appartient à l’employeur ou au travailleur d’en apprécier la portée et au juge de vérifier la conformité de la procédure et des motifs invoqués.
La partie lésée doit suivre une procédure stricte : l’alinéa 3 de l’article 72 impose de notifier par écrit la décision dans les quinze jours ouvrables suivant la connaissance des faits. La connaissance diffère de la simple constatation : il s’agit d’une certitude acquise après vérification ou recoupement des éléments.
Si la vérification est plus aisée pour l’employeur, qui dispose de moyens matériels d’enquête, le salarié peut s’appuyer sur des faits objectifs. Dans tous les cas, le Code prévoit une notification écrite de la rupture, celle-ci devant être précise et motivée, surtout lorsqu’elle émane de l’employeur (article 76).
La cessation du contrat pour faute lourde suppose donc, en outre, une motivation claire et objective, faute de quoi le licenciement peut être jugé abusif. Toute décision judiciaire relative aux dommages-intérêts doit être motivée et tenir compte des critères légaux, sans jamais dépasser 36 mois de salaire.
La pratique révèle parfois des résiliations tacites, par omission ou comportement, constituant un acte équivalent à une rupture. Cette forme de résiliation expose l’employeur à une condamnation pour rupture abusive, avec versement de dommages-intérêts au salarié.
La démission, assimilée à une manifestation de volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat, doit aussi intervenir dans un délai de quinze jours suivant la connaissance des faits. Une démission provoquée ou contrainte par l’employeur est susceptible d’ouvrir droit à réparation pour licenciement abusif.
Conformément à l’article 63, alinéas 2 et 3, le juge fixe le montant des dommages-intérêts en fonction de critères tels que la nature du service, l’ancienneté, l’âge et les droits acquis du salarié, sans excéder la limite fixée par la loi.
Enfin, étant donné le contexte socio-économique de la RDC et les difficultés d’accès à la justice, il est recommandé d’agir avec prudence devant les juridictions compétentes, le licenciement restant la forme la plus répandue de rupture du contrat de travail, cotoyant la démission, toutes deux à l’origine de nombreux contentieux ayant trait aux motifs ou à la procédure de notification. Il importe donc d’envisager les différentes voies de recours dans le cadre d’une résiliation immédiate ou unilatérale susceptible d’irrégularités.
Sources :